Au milieu des discours scientifiques qui alimentent notre quotidien de pratique médicale, j’aimerais évoquer une autre facette de notre travail et de notre relation au malade.
Cette dimension de la médecine s’apparente à un art de vivre, d’écouter, d’entendre, c’est l’art du soin, qui a, je pense, une place fondamentale au cœur de notre pratique.
Le patient angoissé est comme un enfant perdu. Tout son espoir, son souhait de survie se dirige vers le soignant. Dans le psychisme du patient, tout ce que nous livrons peut amener encore plus d’angoisse. Tout ce que nous lui disons peut aussi l’amener à plus de pacification et de sérénité.
Un simple mot, un simple geste, suffisent à transmettre ce qui est indispensable.
La manière dont nous entrons dans une chambre manifeste quelque chose du regard que nous portons sur celui qu’on soigne, sur son corps et sur tout son être. Dans notre relation au malade, nous pouvons être dans une relation Amour-joie définie par Aristote qui invite à aimer sans forcément être aimé. Il y a dans cette définition de l’amour, les notions de fidélité, de respect, de partage. Cet amour est lié à la valeur que nous donnons à la personne qui est en face de nous. Donner ce qu’on a de façon désintéressée avec l’objectif d’apporter du réconfort, de l’aide, du soutien.
Suivant nos convictions, nous pouvons appeler ce don, compassion, charité ou altruisme.
Le geste du soin dépasse de loin le simple geste technique, nous pouvons valoriser le corps du malade, pas seulement par des mots, mais au travers du toucher, au travers de notre manière d’être.
Que ce soit un infirmier qui entre dans une chambre, une seringue à la main, que ce soit un médecin avec le stéthoscope autour du coup, que ce soit l’aide logistique avec un plateau repas, ou un technicien de surface avec son balais, la manière dont nous entrons, la disponibilité que nous avons ou que nous n’avons pas, la relation que nous pouvons ou pas proposer au malade, sont les preuves tangibles du regard que nous portons sur le patient que nous soignons, sur son corps et sur tout son être.
Tout est important pour le malade et témoigne de l’attention que nous lui portons. La manière d’arranger un coussin, un oreiller, la manière délicate ou brutale de le positionner dans son lit, l’attention que nous portons aux soins de bouche, le fait de s’assurer qu’il a ce qui est nécessaire à portée de main, le respect du corps, de l’intimité du patient lors d’une toilette ou d’un massage, tous ces gestes, toutes ces attentions témoignent du désir d’aider et de prendre soin de l’autre.
Le patient que nous abordons est dans un état de dépendance, il est dans une situation d’exception, de solitude et d’angoisse face à ce qui lui arrive. Il attend beaucoup plus de nous que nous ne l’imaginons.